Le récit du voyage |
Accueil |
Assouan. Le temps est encore un peu blanc, voilé. Le soleil veut percer ce mince rideau mais il a du mal. Assouan est une grande ville de près de 400.000 habitants, beaucoup plus grande que Louxor. Beaucoup de bâtiments administratifs de style soviético-africain, d’immeubles moyens mais assez bien entretenus. Les rues sont (presque) propres. Il y a un stade, des mosquées et une superbe église copte visible de loin. Ce matin, le guide nous propose un voyage à cheval (en car) entre l’Egypte moderne (le barrage d’Assouan) et l’Egypte pharaonique – plutôt ptolémaïque (le temple de Philae). Pendant qu'on roupille à moitié dans ce car, Hazem passe en revue les 50 dernières années de l’Egypte (Farouk, Nasser, etc..) et tente de faire le point sur les avantages et les inconvénients du barrage. Comme c’est une zone militaire, pas le droit de filmer, à peine de photographier. Ca tombe bien, c’est moche ! Il n'est que 7h45 et on serait déjà presque en retard pour Philae ! ! Quelles "vacances" !!! Sur le bateau, des gosses ont réussi à monter pour nous vendre des babioles. Anaïs achète deux bracelets en bois parfumés au patchouli. (Trois semaines après, ça sent encore ! !) Les copines achètent encore plein de trucs aussi. Leurs maris observent goguenards et désarmés. ![]() De nombreux groupes et leurs guides respectifs tendant le bras avec le nom du groupe ou de l’agence… Sur notre affiche, il y a une note de musique.. C'est quand même plus classe ! ! ! Dans la salle hypostyle, un guide germanophone parle à tue-tête. On entend avec peine Hazem, qui pourtant n'est pas un chuchoteur ! Au fur et à mesure des visites, nous nous rendons compte de sa compétence, de la maîtrise de son sujet. De plus, il est très pédagogue. Il aurait fait un excellent professeur. Par contre, il ponctue toujours la plupart de ses phrases d'un « mes chers amis " assez énervant. D’ailleurs, nous le nommons entre nous " mécherzami ». Eduqué chez les jésuites depuis l’âge de 4 ans, Hazem n’est pas enclin à la gaudriole ni à la plaisanterie… Dommage pour lui. Et pour nous. Une fois sortis de la bousculade, nous filons vers la fabrique de parfums… Ca, c’est le clou de mes achats égyptiens. Je suis une folle des bonnes odeurs : épices, fleurs, herbes, mon bonhomme quand il sort de la douche (pas après un match de volley ni 40 minutes de jogging, non non non ! !). Là, un guide francophone (préférable compte tenu du nombre de Français monolingues de notre groupe), souriant et plaisantin, nous fait l’article (mauvaise langue !), la « présentation » des produits de leur fabrique. Anaïs et moi sommes intéressées par l’essence de Santal, excellente en massage. Pour papa, me chuchote-t-elle. Nous repensons toutes deux au feuilleton des douleurs cervicales paternelles et maritales, qui ponctue nos journées depuis de trop nombreux mois, bientôt deux ans. Le gars propose ensuite que quelques-un(e)s d’entre nous se fassent masser par un régiment de jeunes gens placés en rang d’oignon derrière lui. Six d’entre nous se lèvent, que des femmes, allez comprendre pourquoi ! ! Même moi, qui n’avait pourtant mal nulle part ! ! On nous conduit vers le fond de la salle où sont installées quelques banquettes. Pas de rideau. Tout se passe en famille, comme qui dirait ! ! ! J’indique à un grand Nubien maigre, impassible, au regard mi-clos et d'une beauté saisissante, de me masser le cou et le haut des épaules. A côté de moi, j’entends Nicole, une infirmière cannoise : « mince, moi j’ai mal dans les lombaires, mais… je vais devoir montrer mes fesses à tout le monde ? ? ». Eclat de rire général. Elle fait alors glisser délicatement son bermuda juste à la limite de la décence. Ouf, l'honneur est sauf. D’autres ont mal aux pieds, au mollet. Elles sont malignes, celles-là ! ! Pour le dos, il n’y a pas à tortiller, il faut se déloquer. Tout le monde continue de se marrer dans la salle. Pour ma part, le massage dans le cou qui ne nécessitait qu’une légère échancrure de mon chemisier, devient par la volonté silencieuse mais ferme de mon masseur, un massage dans le dos ! ! Contrainte d’ôter ma chemise, je me couche sur le ventre. Il dégrafe le soutif et il masse. Quand je vais chez mon kiné en France, c’est pareil, non ? Il a mis dans l’huile qu’il utilise, un peu de menthe qui produit un effet de fraîcheur réconfortant. Une fille d’un autre groupe vient s’installer sur la banquette en face et me demande si c’est bien. J’émets un grognement de plaisir, immédiatement suivi d’un dynamique et rieur « oui, oui, super ! ! ». Mon ton coquin n’a sans doute pas dû échapper à mon masseur dont la main droite s’aventure un peu loin du dos, du côté du sein droit, là où il y a le dossier de la banquette qui cache un peu ! ! Ouf, ma réputation est sauvée aux yeux de ma fille, restée un peu plus loin à écouter l’exposé des parfums. Ses mains sont délicates, très habiles. De temps à autre, il demande « ça va ? ». Je réponds : « oui, très bien ». Au début, moi naïve, je croyais qu’il dérapait un peu ! ! A un moment, je crois bien que ça lui aurait plu de descendre du côté des reins… ! ! Eh ben dis donc, mon coquin… ! Je me marrais intérieurement ! Ca faisait longtemps qu’on m’avait pas fait un coup comme ça, à moi, la mère de famille quadragénaire ! ! Mais je n’ai pas boudé mon plaisir et encore maintenant, je me régale de le raconter. Revenons à nos moutons.. non, à nos parfums. Il reste un peu de temps pour qu’on nous conduise (traîne en ce qui me concerne) à la bijouterie. Hazem s’inquiète toujours de ce qu’on peut acheter en matière de bijoux. « attention à ne pas vous faire avoir sur les poinçons.. ». C’est superbe mais je me suis déjà acheté une Nefertiti sur le bateau et j’ai commandé deux cartouches pour les filles. Je n’en peux plus, j’ai envie d'aller aux toilettes. Ah chouette, je vois qu’il y a des toilettes publiques dans la boutique. Prévoyants et malins, ces Egyptiens. En remontant dans le car, Françoise ne retrouve plus son sac à dos où elle a TOUT. Une ombre passe dans le car. Ce n’est pas possible qu’on puisse nous voler quelque chose. En effet, depuis le début de notre séjour, nous sommes surpris par l’honnêteté des Egyptiens. Ils baratinent, oui. Ils essaient de vous rouler sur le prix des trucs, oui. Mais voler, passer à côté de vous en frôlant les gens comme on le fait ailleurs … non ! Hazem se dépense sans compter pour retrouver le sac. Au final et dix minutes après seulement, c’est un type d’un autre groupe qui l’avait emporté, croyant que ça appartenait à quelqu’un de chez lui. Françoise y a tout retrouvé ! ! Ouf ! ![]() C’est un très bel endroit qui porte le nom d’un Anglais : Lord Kitchener ! ! On y trouve toutes sortes d’essences d’arbres, pas forcément égyptiennes. Bien sûr, Hazem nous a expliqué tout ça mais ça n’a fait que passer entre mes deux oreilles sans y rester suffisamment longtemps pour ce que je m’en rappelle. Beaucoup d’Egyptiens en promenade, dans ce parc. Quelques types se tiennent par la main. Ca me rappelle l’Algérie. A l’époque, j’avais dit à celui qui allait devenir mon époux et le père de mes trois enfants : « ils sont pédés ? ? ». Kalachnikov pré-maritale : « ça va pas ? ? ». Hazem confirme : « c’est l’expression d’une grande affection entre ces deux personnes ». Par contre, des amoureux hétérosexuels qui se tiennent la main : nenni. Paradoxe des cultures méditerranéennes : hyper-sexualité affichée dans les vêtements, les danses et les chansons et tabous dans les comportements. Les filles se baladent entre elles, foulard et maquillage outrancier. On voit aussi des familles coptes. C’est un régal de se promener sans souci dans cette foule. J’avoue qu’à Paris, je suis plus craintive. Mais à se promener, à se promener, à se promener, je finis par avoir mal aux jambes, moi ! ! On est tous un peu fatigués. ![]() Il a même entonné « mazzolin’ di fiori " mais sur le bateau, il n’y a eu que moi pour faire écho. C’est du folklore d’Italie du Nord ! Ma grand-mère chantait ça …. Ecco la ! Puis, visite d’un village nubien. Lors des travaux du barrage d’Assouan et du lac Nasser, plusieurs villages nubiens ont dû être engloutis et il a bien fallu alors reloger ces gens. Le gouvernement leur a construit des maisons. Mais bon, c’est pas ça… La pauvreté y est crasse. Les gamins réclament à tue-tête des « bonboni », des crayons (geste du doigt qui clique sur la cartouche d’encre), des Euros (ben voyons..). ![]() On traverse ce village assez tranquille. Au fond d’un champ, le cadavre d’une vache… Berk. On se retrouve dans la classe du village. Ben, oui, c’est comme dans les campagnes reculées de France, il n’y a qu’une seule salle de classe. Notre petite troupe délire un peu « moi m’dame, moi, m’dame, je sais ! ! ». Hazem nous parle alors du système scolaire égyptien (moderne, bien sûr). Il y a le public (gratuit), le privé (très cher), le religieux (sélectif). Il ajoute qu’il n’y a aucun système de couverture sociale en Egypte, ou d’aide quelconque. Du coup, je ne culpabilise plus sur les Livres et Euros que j’ai perdus à me faire arnaquer sur des articles de pacotille. A la fin de la visite, on est invités à boire un thé sur la terrasse de la maison du chef du village. Beaucoup hésitent à s’asseoir sur les coussins posés par terre. Pas moi, mais je fais attention quand même, discrètement pour ne pas vexer notre hôte. J’aime bien les moments de glandouille mais, ici, ils sont trop rares car il faut vite repartir pour le son et lumière de Philae. Bon, je n’étais pas chaude pour ce genre de machin, mais « on » m’a dit que celui de Philae était le plus beau. Alors, c’est parti ! ! Que des Français, ici !! Puisque le SEL (son et lumière) est en français. Je perds vite les membres du groupe dans la cohue, y compris ma fille, d’ailleurs. Je retrouve Roger, un ex-collège octogénaire presque aveugle. Il a repéré mon écharpe blanche que je ne quitte plus depuis la Vallée des Rois. Je l’aide sur le chemin quelquefois trompeur, notamment des marches inattendues. Suzanne Flon en Isis et Jean Topart dans le rôle Hapy, sur un texte d’André Castelot !! Ca nous fait réviser ce que nous a enseigné Hazem pendant la journée !! Je finis par retrouver les membres de mon groupe et nous allons nous asseoir près du petit kiosque de Trajan. Herbert Léonard est assis sur le banc derrière nous. Un regard circulaire nous fait nous rendre compte que nous retrouvons pratiquement tous les gens qui étaient avec nous dans l’avion de samedi dernier… !! Anaïs retrouve un gars qu’elle avait "maté" dans la salle d’embarquement : « va lui parler… ». … « AHHHHH, non ». Bon, le SEL, ce n’est vraiment pas pour moi. Trop kitch… Mais il parait que ça aide à financer les fouilles archéologiques !! De retour sur le bateau, Hazem parle d’une surprise pour les messieurs… Quelqu’un lance : « ça doit être une danseuse !! ». Ah, la danse orientale égyptienne est réputée. J'irai voir… Dans le salon, un type fait un numéro inspiré des derviches tourneurs assez impressionnant. Il invite Christine, trentenaire accorde, à venir danser avec lui. Un moment, il la fait s’allonger par terre. Monn Dieu !! s’écrient les Marseillaises derrière moi. Il s’allonge à coté d’elle et la couvre de son espèce de jupe qu’il a fait remonté sur sa tête. Monn Dieu !! Ca dure trois secondes à peine.. !! Arrive la danseuse … qui commence son show. Quelle soit moche importe peu. Ce qu’on veut, c’est qu’elle danse bien. Et pas de chance, elle est moche et pas douée. « Tu danses mieux qu’elle » me dit ma fille, habituée à mes prestations dans les mariages familiaux et autres fêtes . Elle s'essaie ensuite à faire participer les mâles de l'assistance : un Anglais pas très à l’aise avec son corps, ce qui semble assez logique. Ensuite, un Turc, très beau mec et nettement plus souple et enfin, jeune Français d’origine chinoise, le moins ridicule de tous. ![]() Elle traîne des pieds pour aller chercher les gars… Puis, survient ce qui ressemble à une embrouille dans l’orchestre.. et tout le monde s’arrête. Ils se cassent. On apprendra plus tard qu’ils devaient aller sur un autre bateau. Quand je vous disais que c’était l’usine, je n'étais pas loin de la vérité. Tout ça, c'est bien gentil mais nous, au départ on voulait aller au souk. Il est près de 22 heures et le lendemain, on se lève à 3 pour aller à Abou Simbel. On s’en fout de se coucher tard, on est là pour en profiter. ![]() L’émission a lieu sur le pont. On est une bonne quinzaine à y aller, plus par curiosité que par envie de dire quelque chose. C’est tout à fait mon cas. Il y a là le producteur de l’émission, un barbu soigné et assez élégant qui explique à Hazem ce qu'il attend de nous, un éclairagiste et un preneur de son, basta. Les questions démarrent. « Qu’attendiez-vous en venant Egypte ? ». Hazem fait le traducteur et présente celui ou celle qui se jette à l’eau pour répondre. Nadia fait son baptême du feu médiatique. Je me penche vers Nicole : « tu trouves quoi à dire, toi ? Moi c’est la panne sèche » « moi aussi », me répond-elle. « Maman, maman, j’ai trop peur de dire quelque chose, je n’y arriverai jamais » intervient Anaïs. « Ben, ne dis rien ma fille » répond la mère qui n’en mène pas large, non plus. En fait, tout le monde est sur le même bateau (sic !). Les questions passent et je ne dis toujours rien alors que j’aimerais bien me faire remarquer autrement qu’en faisant la potiche. Anaïs sauve l’honneur familial en parlant d’Hatshepsout , pharaonne dans un monde où le pouvoir n’était déjà dévolu qu’aux seuls mâles. Les questions continuent. Finalement, au fur et à mesure, les muets de peur se transforment en orateurs plutôt éloquents et pertinents. Même moi ! ! Sur une question toute bête : « si vous deviez envoyer une photo ou une carte postale d’Egypte à un ami, que lui enverriez-vous ? ». Le producteur barbu, depuis une ou deux minutes, pointait le doigt vers moi en parlant à Hazem. « Maman, il veut que tu dises quelque chose, comme tu es belle, il veut que tu parles ». C’est beau, l’amour filial, non ? ? Et par miracle, j’ai trouvé quelque chose à dire. « J’enverrai à mon fils une photo montrant les berges du Nil, avec des enfants nous faisant de grands signes de la main ». Comme c’est poétique, non ? ? En tout cas, en vrai, je l’ai vu et en vrai, ça m’a touché. Il m’a fallu deux prises. Quand même ! Le tournage se termine et on est toutes et tous excités comme des puces. Hazem promet de nous envoyer la cassette. ![]() Retour : 0h45. Je me suis même mise à lire le bouquin que j’avais apporté « le seigneur des anneaux – le retour du roi ». Mais Anaïs voulait dormir et il a fallu que j’éteigne. Le diaporama des autres photos
|